Upma gangnaan style – Partie 3
Troisième partie de notre spécial Inde qui finalement en comptera quatre ou cinq, histoire de ne pas faire un pavé indigeste pour vous comme pour moi. Si vous n'avez lu les deux premiers, pas de panique, vous comprendrez l'intrigue, de toutes façon c'est toujours le colonel Curry le coupable, cela dit nous vous conseillons quand même de les lire. La première partie (ici) parlait épices, pains et dips (achar, chutney, raita), et la seconde (ici) abordait le végétarisme, les légumes et les produits laitiers. Logiquement il est maintenant temps de parler de viande. Il restera le riz, la street food, les boissons et les desserts qui seront le thème des prochaines parties.
L'Inde est un pays qui traditionnellement consomme peu de viande. Une situation qui s'explique par au moins trois facteurs : l’aspect culturel et religieux, l'aspect pratique et l'aspect économique. L'hindouisme, et les religions dérivées comme le sikhisme et le jaïnisme, prônent la non violence (Ahimsa). Non violence envers les hommes ainsi que les animaux, qui conduit souvent au végétarisme. Ghandi était convaincu que non violence et végétarisme sont intimement liés.
Si tous les hindous ne sont pas végétariens, le jaïnisme en fait par contre l'une de ses bases. Dans cette religion, toute vie doit être protégée, y compris les plantes, et les jaïns prennent garde de limiter au maximum le préjudice à autrui. Cela a engendré une hiérarchie de la sensibilité des êtres vivants, basée sur le nombre de jiva (sens), avec au sommet les êtres à cinq sens tels les oiseaux, les poissons ou les mammifères. Le végétarisme permet à ses adeptes de blesser un minimum de jiva.
La deuxième raison est pratique, un animal mort est moins profitable qu'un animal vivant. Certes sur le court terme, on gagne de la viande à consommer, mais sur le long terme on perd de précieuses ressources comme les œufs, le lait et la force motrice animale encore utilisée de nos jours. Cette considération pratique a donné au fil du temps naissance à la zoolâtrie envers les bovins, la vache sacrée. La troisième raison est d'ordre économique, la viande est une denrée, et tous les indiens n'ont pas les moyens d'en manger fréquemment. A noter qu'avec la rapide augmentation du niveau de vie, l'émergence d'une classe moyenne aisée et l'occidentalisation des grandes villes, la consommation de viande s’accroît fortement, plus 20% par an il y a quelques années.
Le poulet (murgh) est de loin le plus consommé. Il présente l'avantage d'être meilleur marché que les autres viandes et d'échapper aux interdits des deux grandes religions, l'Hindouisme (bœuf) et l'Islam (porc). Les indiens le préparent sous toutes ses formes, frit, grillé au four tandoori, en sauce, en soupe, ou bouilli, et possèdent énormément de recettes. Impossible d'en citer ne serait ce que 5% tellement ils sont inventifs dans le domaine. Voici néanmoins une petite liste de plats répandus :
- kadai murg, du poulet en sauce préparé avec notamment des oignons, des tomates, des poivrons, des piments grillés, du cumin, de la pâte de gingembre. Une recette du nord de l'Inde bien relevée et délicieuse.
- murgh makhani ou butter chicken, une recette pendjabi de poulet en morceau dans une sauce crémeuse au beurre, tomates et épices,
- saag murgh, un curry de poulet aux épinards,
- murgh tandoori ou murgh tikka, poulet mariné dans le yaourt et des épices puis grillé au four tandoor. Les deux recettes ne différent que par la taille des morceaux de poulet. Le tandoori utilise des gros morceaux avec les os, voire le poulet entier, tandis que le tikka utilise du poulet débité en petit morceau (tikka = morceaux),
- murgh tikka masala, du poulet tikka dans une sauce à base de crème, de tomate et parfumée au garam masala. Une recette créée à la base pour les occidentaux.
- murgh sukka, une recette de la cuisine mangaloréenne (sud) avec du poulet, de la noix de coco, des oignons, des feuilles de curry et beaucoup d'épices,
- murgh jalfrezi, du nord de l'Inde, du poulet cuisiné avec des poivrons, des oignons, et des tomates, un peu comme un poulet basquaise,
- murgh korma, un plat moghol composé de poulet et des légumes braisés (korma = braisé) cuisinés avec de la crème, du yaourt et avec coriandre et cumin. La variante européenne utilise du lait de coco et des amandes ou des noix de cajou.
- murgh do pyaza, préparé avec des oignons, de l'ail, du yaourt, de la tomate, du piment et différentes épices,
- chicken 65, une recette de Chennai d'inspiration chinoise, consistant en du poulet frit épicé et pimenté souvent servi comme entrée ou snack,
- chilli chicken, aussi d'inspiration chinoise, à base de poulet et de piment et assez sucré.
Le poulet n'est bien sur pas la seule viande consommée. Beaucoup d'autres plats sont à base de mouton, surtout dans le nord plus musulman. La chèvre peut éventuellement remplacer le mouton. Les zones côtières cuisinent à base poisson et de fruits de mer. Le chameau est aussi consommé, notamment dans l'état de Télangana, au centre du pays, au moment du ramzam (ramadant) où il est en tête des ventes à Hyderabad.
La viande de bœuf reste quant à elle un sujet délicat et tabou. Techniquement elle n'est sacrée que pour les hindous mais la législation, très variable entre les états, peut interdire totalement l'abattage et la consommation de bovin comme dans le Maharashtra à l'ouest, comme l'autoriser, ou dépendre du sexe de l'animal ou du type de vache. Même sans loi, sa consommation reste de toutes façons très mal vue dans les états à majorité hindoue. Des animaux plus exotiques sont aussi consommés, notamment dans l'état du Mizoram à l’extrême nord-est qui se délecte d'insectes et même de viande de chien.
La plupart des plats à base d'agneau sont d'origine Moghol et sont les spécialités du nord du pays, plus musulmans. On retrouve presque à l'identique au Pakistan, ce qui n'est pas étonnant vu l'histoire et la culture commune. Voici une petite liste, là encore loin d'être exhaustive :
- seekh kebab, un des plats les plus célèbres et trouvables dans un certains nombre d'autres pays. Il consiste en du haché d'agneau grillé préparé avec des épices et présenté en brochette ou en forme de petit boudin allongé. Il est plutôt servi en entrée et peut se décliner avec d'autres viandes, comme le poulet.
- bhuna gosht (gosht = viande en Persi), un curry de mouton ou de chèvre, dont la viande est poêlée, préparé avec du piment, de l'ail et beaucoup d'autres épices,
- rogan josh, un plat du Cachemire, à base de mouton braisé dans une sauce aux oignons, yaourt, ail, gingembre et épices,
- gurda kaleji keema, un curry d'agneau à base de foie et de reins,
- pasanda ou pasanday ka salan, un curry à base de fines lamelles de viande,
- mutton rara, un curry d'agneau avec tomates, piments et épices.
Côté poisson, on peut citer :
- le curry de poisson de Goa, à base de noix de coco, de tamarin et de piment,
- le curry de poisson de Hyderabad, à base de noix de coco, de graines de cumin et de fenouil,
- ilish machher jhol, du alose hilsa dans une sauce moutarde, une recette bengali,
- fish mappas, un curry de poisson au lait de coco du sud du pays, très populaire dans l'état de Kerala
1. Photo par Amiyashrivastava sous licence Creative Commons CC BY-SA 3.0.
2. Photo par Bernard Gagnon sous licence Creative Commons CC BY-SA 3.0.
3. Photo par Sanshlistha m sous licence Creative Commons CC BY-SA 3.0.
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