Retour vers la soie
Depuis le premier jour de Eat'n Waf, nous faisons souvent référence aux vers à soie, l'un des plus infectes produits qu'il nous ait été donné de goûter. Ils furent nos premiers insectes, et leur souvenir est encore trop présent. Ce lundi 24 août 2010 a marqué à jamais nos esprits et les séquelles psychologiques ne guériront jamais. Nos cauchemars en sont dorénavant peuplés et la simple évocation de ces petites bêtes suffit à nous soulever le cœur. On peut cependant leur reconnaître une chose, ils ont ouvert à nous tout un monde de bizarreries et d'horreurs culinaires et ont accru notre soif de découverte, accélérant grandement le rythme de nos dégustations. Six mois plus tard, Eat'n Waf ouvrait, pour votre plus grande joie. Alors qu'on s'était juré de ne plus jamais en remettre dans notre bouche ou même simplement en sentir, vous êtes nombreux à nous réclamer le test. Il nous en a fallu du temps pour nous motiver mais le voici enfin. Nos papilles en frémissent d'avance.
Les vers à soie sont un en-cas très populaire en Corée du Sud, on les retrouve auprès de nombreux vendeurs de rue, dans certains restaurant et même en conserve (note pour nous-mêmes, ne jamais aller en Corée même si leur kimchi est délicieux). Ils y portent le nom de beondegi (번데기) qui signifie littéralement chrysalide, correspondant au stade de développement de ces bombyx du mûrier, qui si on les laisse tranquille finiront par donner un étrange animal volant mi papillon mi yéti. Pour être précis, on parle de pupe et non de chrysalide mais la différence entre les deux n'est qu'une histoire de trucs gluants qu'il vaut mieux écraser sous une semelle salvatrice.
Ils sont bouillis ou cuits à la vapeur et peuvent être consommés de différentes manières : tels quels en snack avec un peu d’assaisonnement, accompagnés simplement de riz, dans une salade, ainsi que dans une multitude de plats que nous ne goûterons jamais. Non, non ce n'est pas la peine d'insister.
Le spectacle qui nous attend à l'ouverture de la boite à de quoi faire renoncer même les plus courageux : d'horribles vers flottant dans un jus malsain accompagnés d'effluves nauséabondes, un mélange vomitif de terre, de sale et d'odeur de caoutchouc de balle de tennis (vérifié par l'ouverture d'un tube de balles neuves). Une odeur d'autant plus repoussante qu'elle est tenace. Le visuel ne fait rien non plus pour motiver la dégustation même si on peut essayer de se convaincre que ce sont des raisins secs. Comme on envie les aveugles et les gens sans nez (Mickael Jackson ?), ou plus simplement toute personne qui n'est pas ici. On échange nos places ?
La première fois au moins on ne savait pas exactement à quoi s'attendre mais là rien que d'imaginer la texture, le goût, le jus qui répand sa corruption dans la bouche et l'impression d'avoir des remontées de vers pendant de longues heures, nous ôte le peu de courage que l'odeur n'a pas anéanti. C'est une des rares fois où l'on a vraiment aucune motivation pour goûter quelque chose, cherchant même des prétextes pour s'éclipser. Oh tient un match à la télé !
On n'y coupera malheureusement pas, et après un long rinçage des vers à l'eau, ces créatures prennent la direction de nos bouches. En bouche tout est immonde, on dirait un concours de celui qui sera le plus dégoûtant entre le goût, la texture, l'odeur qui remonte par le nez et la désagréable sensation que ça s'infiltre dans les muqueuses. La consistance est un désagréable mélange entre une peau extérieure un peu dure qu'il faut mâcher, un intérieur mou sous forme de poudre mouillée qui se colle un peu partout entre les dents, un peu de résistance par endroit et un liquide qui gicle dans la bouche.
C'est vraiment horrible, un goût de terre dérangeant et un petit côté pois chiche cumulé à du caoutchouc très marqué, comme quand on mâche un élastique (l'élastique est certes réutilisable mais ça ne remplacera jamais un vrai chewing-gum), de l'eau souillée et diverses ignominies indéfinissables. Même après avoir commencé à mâcher on n’imagine même pas avaler, et de toute façon l’œsophage semble vouloir le rejeter. Une fois le vers enfin avalé, le goût terreux et fétide reste très longtemps dans la bouche, nécessitant de se la rincer avec le verre du voisin, une vieille coutume qui veut qu'on boive dans le gobelet des autres quand on a plus de verre à soi. La première fois que l'on a goûté, on a eu l'impression d'avoir ce goût incrusté pendant une demi journée, et même des remontées pendant une semaine avec une grosse part psychologique dans l'histoire.
L'idée de les faire chauffer nous a aussi traversé l'esprit, pour voir si ça peut les rendre tolérables. Le goût est peut être légèrement moins marqué mais l'intérieur se réduit, laissant une encore plus grosse proportion de peau à mâcher. A défaut d'être bon, c'est amusant puisque chauffés dans une poêle à frire, certains des vers se mettent étonnamment à faire des bonds, pouvant atteindre plus de vingt centimètres. En somme une sorte de popcorn animal. Au passage, il s'agit de la première vidéo made in Eat'n Waf, ça s’applaudit.
Ah douce délivrance, la fin du test, on n'en remangera plus jamais de notre vie ! Après ça le pire est derrière nous ... ou pas, une idée au moins aussi horrible nous vient à l'esprit, quelque chose que même Kephy a juré de ne jamais goûter.
Verdict :
Giraf
Ces immondices de vers à soie me posent un problème existentiel : peut-on descendre sous la note la plus basse à savoir le demi jambon de porc ? Et même peut on envisager l'usage de note négative ? Même le requin faisandée et sa note de 0,5 me semble acceptable face à ces insectes.
Kephy
La première fois, il m'a fallu 2 semaines pour ne plus avoir l'impression que tout ce qui m'entourait avait le goût ou l'odeur des vers à soie... Autant dire que les 3 ans passés à se dire qu'il faudrait un jour en manger de nouveau pour écrire ce maudit article n'ont pas suffi à oublier ce supplice. Si vous n'avez jamais eu une boite de vers à soie bouillis ouverte à côté de vous, vous ne pouvez pas imaginer le degré d'horreur atteint par l'odeur de ces bestioles. Il devient alors insoutenable d'imaginer ce que ce sera en bouche, et pourtant d'autres surprises nous attendent avec cette purée putride dont le goût n'a rien à envier à l'odeur. Il n'y a pas à s'interroger longtemps, ces vers ne méritent même pas de voir la couleur d'un jambon de porc. Et non, je ne goûterai pas ces satanés...
PS : Malheureusement trouvable au K-Mart, rue Ste Anne à Paris, 1€50 la conserve de 130g de marque Yoodoong.
PS² : Et encore, on vous a épargné l'abject schlock schlock que fait la conserve quand on la secoue, qui à lui seul incite à la balancer loin, très loin.
1. Photo par Zivya sous licence Creative Commons CC BY-SA 3.0.
Damned!!! Et dire que la FAO recommande l’entomophagie…
On va discrètement attendre que la viande bovine disparaisse complètement des étals avant de s’y risquer 🙂
Merci pour cet article, encore une fois super intéressant.
En tout cas il faut absolument éviter ceux bouillis.
Pour avoir goutté pas mal d’insectes grillés, on trouve qu’ils sont rarement d’un grand intérêt gustatif, sans être trop mauvais non plus. De base ils ont un goût plutôt terreux et tout se joue sur l’assaisonnement. Les vers de farine que l’on avait testés étaient pas mal http://www.eatnwaf.com/2012/03/les-nouveaux-bretzels/ par exemple grâce à des épices texanes (poivrons, oignon, ail, tomates, piments).
Je pense qu’à l’avenir, les insectes entreront dans notre alimentation mais pas entier comme ça. Ils seront utilisés réduits en poudre, sous forme de farine protéinée et entreront dans la composition de multitude d’autres produits.
Enfin un test de ces mythiques vers à soie 😀 Ils ne donnent pas envie ^^. Beau papillon cela étant dit.
[…] notre avenir alimentaire à tous, mais pour l'instant, ils font surtout notre présent à nous. Aux vers à soie, scorpions, fourmis et autres petites bébêtes plus sympathiques dans la nature en bouillie sous […]
Ah aaaaahhh ! Enfin le test ! 🙂
(oui je suis en retard sur la lecture de votre excellent blog, pardon, pardon)
J’ai eu le bonheur (si j’ose dire) de gouter moi même ces délicieuses bestioles, de cette même marque acheté au même endroit, lors d’un Noël où j’avais fait la cuisine pour toute la famille et des amis, entièrement avec des plats coréens. Ayant fait mes courses pour ce faire au petit magasin rue St-Anne, j’avais pris aussi une petite boite, pour voir. La dame me disait qu’il y avait un monsieur, européen, qui passait fréquemment pour cela, il trouvait ça délicieux.
J’ai donc servi cela à table, le soir de Noël, avec plein d’autres plats coréens (maki, bulgogi, japche…) et de ”banchans”, ces pickles coréens dont le kimchi n’est qu’un tout petit exemple de la variété ; tout à la coréenne quoi. Je ne les ai pas rincé comme vous, j’ai juste vidé le jus de la boite.
Mon tonton et moi, nous sommes les deux à avoir tenté. Il en a pris un. J’ai eu l’idée saugrenue d’en reprendre un deuxième.
C’était il y a bien 10 ans ; mon tonton m’en parle encore. Il a très bon fond, il ne m’en veut pas. Je crois.
Voilà, voilà. Je persiste à croire que cela a quand même un petit goût de noix ou de noisettes. Ou pas.
J’ai dégusté ces larves avec des tortillas de mais et une salsa bien relevée … délicieux! Vous m’en donnerez des nouvelles!!
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